« L’inspiration de nos héritages » /4/

Il est des lieux qui inspirent par leur histoire autant que par celles et ceux qui les animent. Ardelaine est de ces aventures nourrissantes dont on ne se lasse pas !

Béatrice Barras a partagé avec l’énergie de la plume les coulisses de cette histoire pétrie de détermination et de force collective.

Béatrice est cofondatrice d’Ardelaine. La filature est installée sur les rives de la Glueyre, à Saint-Pierreville. Béatrice et Gérard, son mari, sont arrivés un peu par hasard dans les années 70. Avec une poignée de passionnés, ils ont relancé la filière laine.

ardelaine-equipe-scop-economie-sociale-solidaire-ess.jpg

Un socle historique porteur

Dans les années soixante-dix, le travail de la laine, comme la poterie ou le tissage, connaissait un regain d’intérêt. « Nous avons rencontré la propriétaire de ce lieu chargé d’histoire et nous nous sommes passionnés pour les méthodes préindustrielles. Des moulins existaient sur le site depuis le XVe siècle et la filature avait fonctionné à l’énergie hydraulique pendant une centaine d’année. L’emploi d’énergies alternatives nous motivait déjà. La gestion des petites machines semblait facile à s’approprier. En pleine émergence de la société de consommation, nous étions sensibles au développement industriel basé sur des ressources du territoire. L’ensemble de ces éléments nous mettait au défi de produire autrement. Le monde moderne pourrait-il laisser une place à une économie locale et de dimension humaine ? »

L’imagination pour moteur

Pour transformer le pari, Gérard et Béatrice ont mobilisé des fondateurs qui ont tenu le cap. Cinq personnes, épaulées par deux autres associés, ont lancé l’aventure et préparé le projet pendant sept ans dans les années 80. « Nous avions peu de moyens mais nous n’avons pas lâché ! L’imagination a rendu les choses possibles. Autour de nous, beaucoup doutaient de la viabilité d’un projet dans un endroit si isolé. Certains voyaient dans le travail de la laine un retour en arrière. Mais nos représentations socioéconomiques étaient plus ouvertes. Nous avions la conviction que d’autres modes de production étaient envisageables en dehors de l’industrie massive. Une fabrication artisanale de petite série nous semblait réalisable dans le cadre d’un projet économique et social. C’était une dynamique de développement local dans un territoire à revitaliser. Nous croyons encore à une autre économie et l’activité prouve aujourd’hui qu’il est possible de fabriquer des couettes à la main ! »

Une dynamique participative

Le projet d’Ardelaine s’inscrit dans une démarche coopérative. « Souvent, une entreprise associe les idées d’un porteur de projet et des financeurs. Sans moyens financiers, pour dépasser les difficultés, nous avons associé nos compétences complémentaires dans les domaines de la gestion, de la technique, du bâtiment, de la pédagogie et de la communication. Aujourd’hui, d’autres forces ont rejoint l’équipe. Le projet initial était porté par un tronc commun : restaurer la filière laine locale intégrée dans son territoire. De nouvelles branches ont poussé avec des équipes de trois à cinq personnes. L’ensemble est maintenant constitué de ces modules reliés les uns aux autres. Ainsi, la boutique fonctionne parce que des visiteurs viennent au musée, la librairie et la programmation culturelle font connaitre Ardelaine autrement et le restaurant ajoute à l’hospitalité du lieu. »

Un projet rural ouvert sur l’Europe et la ville

La filière laine reste le socle d’Ardelaine, de la tonte à la commercialisation des produits, en passant par la transformation de la laine en vêtements et literies. « Dans une entreprise, on passe son temps à résoudre des problèmes. Nous sommes portés par l’énergie de la débrouille et le goût du défi technique. Le projet est centré sur le lieu qui s’est beaucoup transformé au fil du temps et a toujours été ouvert sur ce qui se fait ailleurs. Des partenariats ont été tissés avec l’Allemagne, l’Espagne, d’autres filatures en France, etc. Être ancré dans un village situé à une heure de la première ville n’empêche pas de garder le contact avec le reste du monde ! »

La production est réalisée en partie dans les ateliers d’Ardelaine à Valence ; le projet contribue ainsi à la vie du quartier. « L’expérience d’Ardelaine ne prétend pas fournir des recettes. Aucune méthode ne résiste vraiment au temps, seule l’inspiration résiste au temps ! Mais l’envie de transmettre et la capacité à se renouveler peuvent revivifier des projets. Et souvent les choses avancent en faisant avec les gens et les ressources à disposition. »

Ardelaine bénéficie du label « Entreprise du patrimoine vivant » qui reconnait la valeur des métiers rares. Plus d’infos sur www.patrimoine-vivant.com

Trois ouvrages pour aller plus loin :

« Chantier ouvert au public, Le Viel Audon village coopératif », 2008, éditions REPAS

« Moutons rebelles, la fibre du développement local, vers la coopérative de territoire », 2014, éditions REPAS

« Une cité aux mains fertiles, quand les habitants transforment leur quartier », 2019, éditions REPAS

Ces livres sont disponibles sur le site d’Ardelaine et sur commande dans les librairies ou sur internet.

Laisser un commentaire