Coup de cœur littéraire #23 – Carnet de prison

Je dois reconnaître que j’ai mis du temps avant d’ouvrir Carnet de prison. Ma bibliothécaire me l’avait mis de côté en pensant que cela m’intéresserait et je l’ai pris de bon cœur. Pourtant, il est resté longtemps sur ma pile de lectures en attente. Je n’avais pas tellement envie de lire une BD, moment de détente par excellence, en pensant aux ateliers que j’anime à la maison d’arrêt de Privas avec mon collègue Kriss de l’association Les Murmures de l’Onde.

Tout avait bien commencé

Pourtant, je me souviens de mon enthousiasme lorsqu’on m’a téléphoné pour me proposer d’animer des ateliers d’écriture auprès de détenus. J’avais entendu le matin même une émission de radio où un auteur racontait le plaisir qu’il avait à partager ces moments d’évasion créative avec des personnes privées de liberté. J’ai répondu positivement immédiatement et j’étais emballé par l’idée.

Puis il a fallu entrer, montrer patte blanche, faire connaissance avec le personnel, trouver mes marques, passer les appréhensions. C’est ce que raconte Galien dans sa BD. Les bruits de clés, les cris, les insultes d’une cellule à l’autre, toute une ambiance. L’auteur anime des ateliers de dessins à la maison d’arrêt de Caen et évoque les conditions dans lesquelles il intervient.

couverture de la BD Carnet de prison

Un public pas comme les autres

J’ai l’habitude depuis 10 ans d’animer des ateliers d’écriture auprès de participants volontaires. C’est aussi le cas à la maison d’arrêt, où les détenus s’inscrivent à l’activité dans le cadre du module respecto, un dispositif visant à leur apporter des outils de réinsertion. Ce sont donc des participants privilégiés par rapport à d’autres détenus. Cependant, ils font parfois preuve d’un comportement exemplaire en espérant des remises de peines. Leur enthousiasme face à l’écriture n’est donc pas toujours débordant ni désintéressé.

Nous ne connaissons pas leur délits et nous ne sommes pas censés les connaître. Il arrive que certains s’ouvrent à nous et on doit faire avec. Nous ne sommes pas là pour juger. Ils le sont déjà ou, la plupart du temps, en attente de jugement. Le but de ces ateliers est de leur offrir un temps d’expression et de créativité partagée. Certains s’en emparent avec plaisir, d’autres viennent parfois à reculons, selon l’humeur. On doit donc composer avec des ambiances variables selon les séances.

S’adapter

De plus, certains participent depuis deux ans, d’autres arrivent en cours de route et tous n’ont pas les mêmes compétences. On s’adapte. C’est aussi ce que raconte Galien dans Carnet de prison. On arrive avec nos intentions de l’extérieur, auxquels s’ajoutent les objectifs de l’administration et on se confronte à des réactions parfois mitigées. La lecture de cette BD m’a fait du bien parce qu’elle m’a permis de constater que c’est pareil ailleurs. Intervenir en prison est un exercice d’humilité. Les détenus bousculent nos habitudes et nous obligent à donner le meilleur de nous-même. Heureusement, la plupart du temps cela se passe bien et on vit de beaux échanges. C’est ce qui nous donne, à mon collègue Kriss et moi, en alternance tous les 15 jours, envie d’y retourner.

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